Tournez manège!, de Dominique Brand

Les huit nouvelles proposées par Dominique Brand tournent, parfois jusqu’au mal de mer, autour du thème de la (non-) rencontre sur internet. Toutes nous parlent d’êtres qui ne se comprennent pas, d’envies contrariées, de malentendus, de « et si », de « si seulement »… Les personnages sont à la recherche d’un certain bonheur – leur idée du bonheur – ils hésitent entre attachement routinier et liberté désespérante. Ce questionnement intemporel sur les conditions du bonheur, entre absence de liens et contrainte, parcourt les récits.

Situant ses actions dans la ville de Lausanne, Brand brosse une galerie de personnages souvent abîmés, se cherchant et cherchant à être heureux avec les moyens du bord. Grands adolescents ? Adultes ? Beaucoup semblent naviguer entre deux âges, insatisfaits et déracinés. La solitude, la frustration et l’ennui qui parcourent la plupart des récits sont bien rendus, et puis on ne cache pas son plaisir de voire dépeinte cette Lausanne un brin glauque des bars à hôtesses et des quartiers ternes.

Le thème très contemporain de la rencontre sur internet fascine depuis une dizaine d’années anthropologues, sociologues, cinéastes, auteurs… Avançant sur un terrain désormais bien défriché, l’auteur s’expose au risque de manquer d’une certaine originalité dans le propos. Sur ce point, et malgré le plaisir qu’on prend à lire les nouvelles de Dominique Brand, on se défait difficilement d’un sentiment de « déjà lu »… Certains des récits, ceux qui composent la première moitié du recueil notamment, manquent un peu de folie. Le « twist final », qui fait partie du pacte conclu entre l’auteur de nouvelles et son lecteur, fait parfois défaut, à l’image de la nouvelle « Sous le ciel de Toscane » qui semble simplement dénuée de chute. Et quel dommage à la lecture, lorsque la fin qu’on avait imaginée dès les premières lignes est bien celle que l’on découvre ! Ce n’est que dans les derniers récits que l’auteur semble s’être enfin lâché, prenant le risque de faire sortir ses histoires de rails un peu convenus pour les emmener ailleurs, vers le glauque, vers les pulsions malsaines, vers la folie (« Le vieux qui lisait le Net », ou « La valse à trois temps »).

Il ouvre. Elle se tient de trois quarts, affichant un large sourire. Un petit gabarit, elle n’a pas menti. Une robe légère. Des lunettes de soleil sur le front et un petit sac à main sur l’épaule. Je peux entrer ! Oui ! Excuse-moi, je suis intimidé! Il rit. Elle sourit. Premier mensonge grossier. Il a honte. Il venait de la détailler plutôt que de lui ouvrir grand sa porte. En fait, elle ne correspondait tellement pas à l’image qu’il s’était faite d’elle qu’il a eu, une fraction de seconde, une cruelle envie de s’enfermer.

Au final, on a aimé la dimension sociale de l’ensemble, la psychologie cohérente des protagonistes, le rendu subtil des décors… Il n’a peut-être manqué qu’un peu de folie, de rythme, de fantaisie ou d’originalité à ces récits, qu’un peu plus de surprises aussi bien formelles que narratives, pour qu’ils nous emmènent réellement dans la ronde.

Dominique Brand
Tournez Manège !
BSN Press, 2014

L’auteur: Dominique Brand vit et travaille à Lausanne. Il enseigne l’histoire et la littérature au gymnase. Il publie un premier recueil de poèmes en 2004.

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